Le négoce à la une Ets Lefebvre : qui avance doucement, va loin
Loin des projecteurs, Patrick Lefebvre a développé progressivement l’entreprise familiale, en passant d’un à cinq sites de collecte autour de Guînes, dans le Pas-de-Calais. Il a placé l’investissement dans des silos, et surtout la proximité et la disponibilité au cœur des services qu’il apporte à ses clients agriculteurs. Par Blandine CailliezPhotos : Denis Paillard
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Cet été, les Ets Philippe Lefebvre, de Guînes dans le Pas-de-Calais, ont inauguré une nouvelle plateforme de collecte à Peuplingues, avec un bâtiment de stockage de 4 000 t, loué à un agriculteur. Cette nouvelle installation constitue le cinquième site de collecte du négociant en céréales. Lorsque Patrick Lefebvre, son président, est arrivé dans l’entreprise en 1978, elle ne s’appuyait que sur un seul silo, celui de Guînes, en plein centre-ville. Le négociant collectait à l’époque moins de 2 000 t, tandis qu’il dispose aujourd’hui d’une capacité de stockage totale de plus de 30 000 t, avec des installations dans un triangle Calais, Saint-Omer, Boulogne-sur-Mer.
La volonté de s’adapter
Les entreprises s’adaptent à leur époque et à leur environnement et se réinventent sans cesse. C’est ce qui s’est passé aux Ets Philippe Lefebvre. « C’est mon grand-père qui a créé l’entreprise en 1926, en reprenant une meunerie, explique Patrick Lefebvre. Mais après la guerre, il a été contraint d’arrêter cette activité, et s’est alors lancé dans le négoce du grain et des engrais. » En 1950, son père, Philippe Lefebvre, s’intéresse, au moment de revenir dans l’entreprise familiale, à la vente de phytos. Il innove en proposant à ses clients, sous forme de prestation de service, de pulvériser les produits dans les champs avec une Jeep. « Les agriculteurs n’étaient pas équipés de pulvérisateur à l’époque, il leur a apporté ce service, souligne Patrick Lefebvre. Pour l’anecdote, mon grand-père avait dit à mon père qu’il ne le voyait pas terminer sa carrière en tant que négociant en céréales. » Depuis, le travail a changé, le négociant a abandonné l’épandage des produits phytos. Mais quelques décennies plus tard, « les Ets Philippe Lefebvre sont toujours bel et bien actifs », indique-t-il avec le sourire.
Entre-temps, l’entreprise s’est développée à la fois par croissance interne et externe. « Un an après mon arrivée, nous avons créé un deuxième site, avec silo et magasin d’approvisionnement, à Louches, à quelques kilomètres de Guînes, précise Patrick Lefebvre, qui a été rejoint quelques années plus tard par son épouse Laurence. Nous avons agrandi cette installation à nouveau en 1982. » L’entreprise de négoce a ensuite eu l’opportunité de reprendre deux autres négociants, les Ets Mordacq, à Quelmes, et Bernhard, à Saint-Inglevert. Et l’aventure familiale ne va pas s’arrêter là. Alors que l’entreprise approche de ses 100 ans, Patrick et Laurence Lefebvre la savent dans de bonnes mains pour les années à venir puisqu’ils sont en train de la transmettre progressivement à deux de leurs fils, Matthieu et Constant. Le premier a rejoint ses parents dans le négoce en 2010, et le plus jeune, en 2014. En plus des quatre membres de la famille, les Ets Philippe Lefebvre s’appuient sur huit salariés, trois autres technico-commerciaux en plus de Constant, deux magasiniers et trois chauffeurs.
En plus de la présidence et de la coordination de l’entreprise, Patrick Lefebvre s’occupe personnellement de la vente des céréales via le groupement Nord Négoce, dont il est membre depuis 1993.
Le port de Dunkerque à proximité
« La collecte de blé est destinée essentiellement à l’export pays tiers via le port de Dunkerque situé à seulement 50 km, précise le négociant qui a signé la charte qualité export de la région Hauts-de-France pour le blé. Selon les années, cette destination peut représenter entre 80 et 90 % de nos débouchés. Nous commercialisons aussi des céréales en Belgique et aux Pays-Bas. » Le colza est également destiné aux Pays-Bas pour produire des biocarburants. « Nous sommes pour cela certifiés 2BSvs. »
Les Ets Philippe Lefebvre ont la particularité de stocker la quasi-totalité des céréales de leurs clients, et ont pour cela investi dans les capacités de stockage qu’il fallait. Ils se sont aussi équipés de deux trieurs et de deux séchoirs pour les années compliquées d’un point de vue météo comme 2021. « Les agriculteurs nous vendent leurs céréales au prix ferme ou à un prix indexé sur le marché à terme, explique-t-il. Nous leur proposons aussi des contrats révocables. Le client se fixe un prix d’objectif. Lorsqu’il est atteint, la vente est déclenchée. Mais si en cours de route, l’agriculteur se rend compte que le marché augmente, il peut revoir à la hausse la barre qu’il s’est fixée. »
Proximité et disponibilité
Le stockage est un service proposé à ses clients, mais le négociant en offre bien d’autres. « Nous sommes une entreprise familiale et, chez nous, l’agriculteur n’est pas un numéro, nous connaissons tous nos clients et sommes vraiment à leur disposition. Chez nous, proximité et disponibilité, ça veut dire quelque chose. » Le négociant laisse toujours au moins un dépôt ouvert le samedi matin, et pendant la moisson, les silos restent ouverts parfois jusqu’à minuit et même plus, jusqu’à ce que le dernier agriculteur s’arrête de livrer. « Je crois que les agriculteurs travaillent aussi avec nous parce qu’ils apprécient notre expertise technique et qu’ils savent que nous ne cherchons pas à vendre à tout prix, remarque de son côté Constant Lefebvre. Nous ne cherchons pas à faire de coups commerciaux. Nous avons toujours à l’esprit la rentabilité économique pour l’agriculteur. Il doit obtenir un retour sur investissement de toutes ses interventions. Notre relation doit être un contrat gagnant-gagnant en quelque sorte. » « Les membres de l’équipe ont aussi l’avantage d’être très polyvalents, chacun peut remplacer son collègue s’il est absent », ajoute Patrick Lefebvre.
L’appui de Nord Négoce et Actura
Sur le plan agronomique, le négociant s’appuie sur le service technique de Nord Négoce et du réseau Étamines d’Actura. « Nous organisons régulièrement des visites des plateformes d’essais pour les agriculteurs les plus intéressés, indique-t-il. De temps en temps, nous invitons nos clients pour des réunions techniques. La dernière en date concernait le phosphore. » Les Ets Philippe Lefebvre bénéficient également de la centrale d’achat pour leurs approvisionnements et du site de stockage de produits phytosanitaires classé Seveso de Nord Négoce, à Villers-lès-Cagnicourt dans le Pas-de-Calais. « Le référencement des variétés et des produits se fait chez nous, de façon collégiale, poursuit le négociant. Nous y réfléchissons avec les technico-commerciaux, à partir des résultats d’expérimentation, des offres d’Actura et du retour des agriculteurs. »
Quant aux défis à relever pour les années futures, le négociant reconnaît que la réglementation sans cesse en évolution constitue une véritable préoccupation pour les petites entreprises. Il est aussi conscient que les ventes de produits phytos et d’engrais vont reculer. « Dans ce contexte, les rendements risquent de stagner, voire de baisser chez les agriculteurs, et la qualité risque d’être impactée, indique-t-il. Pour y pallier, nous nous intéressons aux oligo-éléments, compost, biostimulants, produits de biocontrôle… » Les jeunes technico-commerciaux comme Constant Lefebvre et Quentin Senicourt sont aussi prêts à accompagner les agriculteurs dans les approches nouvelles de production en grandes cultures, et en particulier les solutions alternatives aux phytos, l’agriculture de conservation, le semis direct et les contraintes agronomiques et techniques qu’elles engendrent. Leurs expériences à l’étranger leur fournissent un bon éclairage pour appréhender ces sujets nouveaux.
Patrick Lefebvre reconnaît aussi qu’il a la chance d’être implanté dans un secteur aux potentiels de rendement élevés, et qui peut accueillir un éventail assez large de cultures, y compris des espèces à forte valorisation comme les pommes de terre ou le lin textile. Et il est persuadé que l’entreprise va continuer à s’adapter. « Nous avons toujours avancé progressivement, sans brutalité, reconnaît le négociant. Pour les années à venir, nous étudierons les opportunités lorsqu’elles se présenteront et nous saurons saisir celles qui conviennent à notre entreprise. Notre devise a toujours été “qui avance doucement, va loin” et c’est dans cet esprit que nous continuerons à nous développer. »
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